6 mars 2007

Un premier album et déjà des idées...

Achille, puits de science ou montagne d'inculture?


Achille se présente lui-même comme un "érudit". Il suffit de l'écouter:

"La simplicité désarmante de mon génie m'étonne toujours... Si je n'étais pas aussi modeste, je pourrais aspirer à des destinées éclatantes! "

En même temps, il faut reconnaître que tout le monde ne connaît pas la définition de l'isoplexis, le symbole du boehmite, la monnaie angolaise ou la nature du chaunacanthe! D'ailleurs, Achille avoue souvent mépriser les ignorants, car l'ignorance est, avec l'oisiveté et les bandes dessinées, la mère de tous les vices; c'est bien connu. Dans le premier album de la série comme dans le reste de ses aventures, le fils Talon nous fait part d'une culture en apparence à toute épreuve. Il y écrit même son testament, intitulé "le poids du génie"!
En dehors de ça, Achille Talon est souvent vu comme une référence de savoir archi-complet dans tous les domaines. Pourtant, ce qui m'a frappé en relisant "Les idées d'AT, cerveau choc", c'est le nombre de vides aberrants dans cette culture soi-disant complète. Dès le tout premier gag de la série, Achille se voit poser une question facile dont il n'a aucune idée, et à laquelle même Lefuneste sait répondre: il est alors forcé d'imaginer une solution saugrenue. Plus loin, ces entraves se précisent: il est incapable de trouver quel jour on est. Par son savoir de dictionnaire, notre héros oublie de s'inscrire dans son époque, et surtout d'apprendre les choses pratiques. Il se borne à une connaissance inutile dont il est pourtant très fier.
Si l'on va un peu plus loin, on peut observer que tout son savoir ne vient que des livres, et non de la pratique. Il n'est qu'une machine à ressortir ce qu'il a appris, et chaque application tentée est un échec (la preuve, elle devient un gag!). Cependant, Achille n'est pas dupe sur l'utilisation ratée de son savoir, ce qui est assez étonnant. Si vous lisez pages 5 ou 39, il est même étonné lorsque l'un de ses essais semble fonctionner. Mais malgré cette lucidité dans la pratique, Achille reste très naïf dès qu'il s'agit d'ouvrir un livre. Il se lance même dans des disciplines bien peu scientifiques en étant sûr de leur réussite, du moment qu'elles viennent d'un livre (il tente par exemple page 30 d'hypnotyser Lefuneste).
Bien plus qu'un simple savant maladroit, Achille est donc à lui seul un recueil des contradictions de la culture. Surtout, il nous invite à réfléchir sur tout ce que nous apprenons sans nous demander pourquoi. Après tout, à quoi bon apprendre pour apprendre? Quel intérêt y a-t-il à être cultivé? Doit-on toujours croire une chose dès lors qu'elle est écrite? L'intérêt d'Achille Talon est justement qu'au delà d'être spectateurs, nous devenons acteurs du caractère d'Achille. Pourquoi? Parce qu'Achille n'est pas un simple anti-héros, il est justement comme nous pour beaucoup de choses, et c'est pour ça qu'on l'aime...

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je suis heureux de voir qu'enfin une page est entièrement consacrée à Achille Talon ! Même si ce n'est "qu"'un blog, cela pallie l'absence outrageuse de site officiel. Merci beaucoup ! Vos analyses m'ont l'air intéressantes et fouillées ; dès que je trouve un peu de temps, je m'immerge dans tous ces textes !
@ bientôt
Pierre.